Blogue Pierre Houde | Le Tricolore le plus spectaculaire de tous les temps

Howie Morenz a certainement été la première grande étoile de la franchise du Canadien. Maurice Richard en a été, sans aucun doute, son joueur le plus passionné et le plus passionnant à suivre. Son jeune frère, Henri, a sans contredit été son plus vaillant guerrier. Jean Béliveau, son plus noble ambassadeur. Yvan Cournoyer, son plus explosif sprinter. Jacques Plante et Patrick Roy, ses plus grands magiciens et innovateurs. Mais sous le qualificatif du plus « spectaculaire », il est parfaitement légitime d’y inscrire, au sommet de la liste, le nom de... Guy Lafleur !
Pierre Houde | RDS
Collaboration spéciale
Dans le monde du sport, il est toujours un peu odieux de comparer les différentes époques vu l’évolution constante tant chez l’athlète que dans l’équipement et dans les surfaces de jeu. Mais dans le cas de Guy Lafleur, on peut aisément se permettre cette transgression. Depuis ses premiers coups de patin chez les juniors jusqu’aux derniers moments de son illustre carrière, il aura toujours suscité l’envie la plus intense de le voir à l’oeuvre, en personne ou à la télévision.
Ceux qui ont été témoins de ses innombrables coups d’éclat avec le Canadien ont cessé depuis longtemps de chercher un équivalent ou un héritier. Ils n’en trouvent pas... ou ne veulent tout simplement pas faire l’exercice d’en trouver un. Pour les baby-boomers, même en étant reconnaissant envers les autres bons joueurs de l’ère moderne de l’équipe, Guy Lafleur n’a pas d’égal ! En revoyant les séquences des années 1970 ou les matchs de l’époque, les plus jeunes, eux, sont à même de constater à quel point il était la star des stars sur la glace. Pour tous les partisans du Canadien, peu importe l’âge ou la génération, le but égalisateur inscrit tard en troisième période lors du septième match de la demi-finale contre les Bruins, au printemps de 1979, se veut l’un des moments les plus marquants de l’histoire du hockey, à la hauteur du but de Paul Henderson à Moscou, en 1972, ou de celui de Sidney Crosby, à Vancouver, aux Jeux olympiques de 2010.
Surdoué et vrai
Guy avait tout. Mécaniquement, il avait un coup de patin fort et puissant et il possédait un tir foudroyant et précis. Sur le plan sportif, il possédait un sens inouï du jeu, ancré en lui comme par magie, et qui en faisait un merveilleux passeur et un véritable cauchemar pour l’adversaire. Les statistiques, les trophées individuels et les cinq coupes Stanley parlent d’eux-mêmes !
Mais c’est surtout sur le plan mental qu’il était véritablement le Démon blond ! Guy Lafleur n’avait aucune « nuance » dans ses valeurs. Elles étaient vraies et pures, la plupart du temps à son grand avantage, mais parfois à son détriment. Son caractère très fort, sa compétitivité, sa soif de gagner et d’excellence, son refus de la médiocrité, son esprit sportif, son aversion pour l’ennemi, sa recherche de justice et d’équité, et son engagement total envers ses coéquipiers et ses supérieurs ne sont que quelques-uns de ses traits personnels qui ont favorisé son grand parcours sur le plan professionnel, qui a été reconnu à jamais par son intronisation au Temple de la renommée du hockey en 1988. Ils ont été à la base de ses innombrable succès, mais aussi de quelques grandes douleurs. Se sentant carrément exploité quand il a été mis au courant des salaires d’autres joueurs de la Ligue nationale, en 1978, il a menacé de ne pas jouer le match du 26 octobre à Toronto. Puis, se sentant trahi par son fidèle complice, Jacques Lemaire, quand il est devenu son entraîneur-chef, il a mis abruptement fin à sa carrière le 26 novembre 1984.
Humain et passionné
Mais c’est quand on y ajoute sa simplicité naturelle, son respect total, voire presque démesuré pour les amateurs de hockey et ses fans, son humilité face à ses accomplissements et sa chaleur humaine si réconfortante quand nous étions en sa compagnie que l’on peut encore mieux mesurer et apprécier l’immensité de cet homme.
Guy Lafleur était une grande étoile, pas seulement à Montréal, mais sur toute la planète hockey. Il était une idole que l’on voulait imiter, dont on rêvait. Il était le porte-étendard d’une formidable équipe de hockey, qui avait remué ciel et terre pour obtenir le premier choix au repêchage universel de 1971 afin de pouvoir mettre la main sur celui qu’on savait destiné à élever la renommée du Canadien de Montréal à un niveau jamais égalé à ce jour. Mais Guy Lafleur a atteint ce statut unique dans l’histoire du hockey, dans l’histoire du Tricolore et dans celle du Québec sans vraiment le vouloir, sans vraiment le savoir. C’est ce qui est le plus touchant en repensant à sa vie.
Le mot « passion » colle aussi indéniablement à la vie de Guy Lafleur. Cette passion, que l’on surnomme parfois « l’amour de la vie », est celle qui vous pousse à faire des choses inhabituelles, qui vous lance dans des projets ambitieux ou audacieux, qui vous comble parfois de bonheur, qui vous vide parfois les poches... et qui vous fait parfois frôler la mort ! Le bonheur qu’il avait aux commandes d’un hélicoptère était contagieux, particulièrement pour la grande famille des pilotes. Mais à l’autre bout du spectre, il a brûlé temps et argent en restauration. Il a aussi défié la mort, en 1981, endormi au volant après une soirée dans un célèbre club de Montréal, sans que l’alcool ne soit en cause.
Au fond, voilà pourquoi on a tant d’amour pour Guy Lafleur et tant de peine de le voir nous quitter si vite. Le joueur le plus spectaculaire de tous les temps dans l’histoire du Canadien a aussi toujours été le p’tit gars de Thurso. La star des stars était avant tout un homme simple et attachant. L’un des plus grands joueurs de l’histoire de la Ligue nationale était aussi l’un des plus gentils et généreux qui soit.
Adieu, Démon blond ! Tu nous manques déjà terriblement…