Émile Poirier a grandi dans l’adversité

Il y a des nouvelles qui sont plus difficiles à encaisser que d’autres. Celle qu’a apprise Émile Poirier, en mai dernier, fait partie du lot. Une épreuve de force de caractère et de désir de vaincre qu’il a mis un certain temps à digérer, mais qu’il a surmontée haut la main.
Simon Bédard - @simonbedard17
Une vieille blessure subie lors de sa deuxième saison avec les Olympiques de Gatineau, en 2012-2013, a forcé Émile Poirier à rater le camp d’entraînement des Flames de Calgary, en septembre dernier. Il a appris qu’il allait devoir s’absenter pour une longue période en mai dernier, quelque temps après avoir été contraint de passer sous le bistouri. « Je me suis fait opérer à l’épaule l’été dernier, confie-t-il à Hockey Le Magazine. Ça faisait une certaine période de temps que je trainais cette blessure-là. En subissant une opération, je savais que j’allais devoir rater le camp d’entraînement des Flames. C’était une période de six mois de réhabilitation. Je m’étais déjà fait à l’idée. »
Sur le coup, Poirier a eu de la difficulté à accepter son sort. C’est comprenable. Comme tout choix de première ronde (22e au total en 2013), il croyait bel et bien en ses chances de forcer la main de l’entraîneur-chef Bob Hartley. Il aurait aimé lui laisser, une fois de plus, sa carte de visite. « C’était plate et ça m’a fâché de ne pas avoir la chance de démontrer mon savoir-faire, mais je n’avais d’autre choix que de régler cela le plus tôt possible, analyse le principal intéressé. Si j’étais allé au gros camp des Flames, j’aurais tout fait en mon possible pour causer une surprise. Mais bon, je ne l’ai pas pris trop négativement. »
Une fois la poussière retombée, le numéro 21 a décidé de tourner la page et d’aller de l’avant. Il s’est donc rapporté au préparateur physique Stéphane Dubé, qui l’a soumis à un programme d’entraînement hors-glace vigoureux. « Je n’ai pas pu chausser les patins au cours des trois ou quatre premiers mois suivant mon opération, donc j’étais pas mal dans le gymnase, note le Québécois. Il a fait un travail incroyable avec la physiothérapie et toutes ces petites choses-là. Nous étions dans le gymnase à tous les jours ou presque. Avec le recul, j’estime que ç’a été bénéfique pour moi, car ça m’a permis d’arriver à Adirondack au sommet de mon art. »
En plus du camp d’entraînement des Flames, le Montréalais de 20 ans a été contraint de rater les neuf premiers matchs des Flames d’Adirondack, leur club-école dans la Ligue américaine. Du haut de la galerie de presse, il a dû prendre son mal en patience et tenter de soutirer le plus de positif possible de cette fâcheuse situation. « Je crois que ça m’a permis de grandir dans l’adversité un peu, juge l’ancien membre du Rousseau Royal de Laval-Montréal midget AAA. Six mois de réhabilitation, ce n’est pas toujours facile, mais j’avais une bonne équipe autour de moi et elle m’a beaucoup aidé. Quand tu es en haut, que tu le veuilles ou non, la game est différente. Ça m’a aidé à bien assimiler ce que c’est chez les pros et à mieux comprendre comment ça se joue. Quand je suis arrivé dans la formation partante, ç’a fait en sorte que j’étais prêt. »
Des débuts fracassants
Émile Poirier a finalement effectué ses débuts dans la AHL le 1er novembre dernier, contre les Comets d’Utica. Il a salué son retour au jeu de brillante façon, en marquant deux buts dans un revers de 5-4. « En arrivant ici, mon but, c’était simplement de jouer mon match, mentionne celui qui a récolté 16 points (8-8) à ses 22 premiers matchs du calendrier régulier. Je ne m’étais pas vraiment fixé d’objectifs quelconque par rapport aux points, mais ça va plutôt bien offensivement jusqu’ici. Nous avons un bon personnel d’entraîneurs et ça aide grandement. J’essaie de créer des choses en attaque et je joue un peu sur l’avantage numérique. J’essaie d’amener de l’énergie et de la vitesse en échec-avant et de terminer mes mises en échec à tous les matchs. »
Depuis son retour, l’ancien attaquant des Olympiques joue avec confiance. Beaucoup de confiance. À le voir aller sur la patinoire, on a peine à croire qu’il revient d’une longue période de convalescence. « La confiance est là présentement, il n’y a pas de doute là-dessus, se réjouit Poirier. Dès que je suis revenu au jeu, j’ai commencé à produire offensivement. Je joue avec beaucoup de confiance et je tente certaines choses en attaque. C’est signe que ça va bien à l’heure actuelle. »
Son rendement, l’attaquant de 6 pi 2 po et de 200 lb peut l’expliquer de bien des façons. L’une d’entre elles, c’est cette expérience qu’il a si chèrement acquise en disputant un total de cinq parties dans la AHL, le printemps dernier. « C’est sûr et certain que ç’a été un gros plus pour moi, approuve-t-il. Ça m’a permis de voir ce que c’était de jouer chez les professionnels. J’ai joué trois matchs en séries éliminatoires l’an dernier, donc ça m’a aidé à me préparer et à apporter les ajustements nécessaires à mon jeu. Lorsque je suis arrivé ici, j’étais prêt et ça, ça n’a pas de prix pour un joueur comme moi. »
À l’écart des projecteurs, les dirigeants des Flames l’observent. Ils voient ce qu’il est en train d’accomplir depuis quelques semaines. Ils savent qu’ils devront lui offrir sa chance un jour ou l’autre. Une situation à laquelle Poirier n’essaie de pas trop penser. « Ils étudient mon développement et ils me parlent de temps en temps, se contente-t-il de dire. Le personnel d’entraîneurs me lâche un coup de fil à l’occasion et je crois que les dirigeants sont contents de mon travail présentement. En même temps, je veux juste me concentrer sur mon match et faire le boulot qui m’est confié. »
« La constance, c’est un aspect sur lequel je dois m’attarder avant d’espérer revoir un appel, ajoute-t-il. Je dois non seulement être constant et dominant à tous les matchs, mais aussi à chacune de mes présences sur la patinoire. Si je parviens à être un facteur important à tous les soirs, je vais augmenter mes chances de gravir les échelons. »
Lorsqu’on lui fait remarquer que les Flames font confiance à 7 joueurs de 22 ans et moins à Calgary ces temps-ci, Émile Poirier sourit. Sans doute un mélange de satisfaction d’être tombé dans une organisation qui fait confiance à ses jeunes et de peur de tomber dans le piège de l’excès de confiance. « Honnêtement, j’essaie de ne pas trop y penser, conclut-il. En même temps, je sais que l’organisation des Flames fait confiance aux jeunes et je crois que c’est une bonne chose pour moi. Si je continue de remplir mon travail ici et que ça continue de bien aller, je crois que je vais avoir ma chance et ce sera à moi de saisir l’occasion qui s’offrira à moi. »